De la cause arménienne
au droit français
Nikos LYGEROS
Aucun Arménien,
défenseur des droits de l'Homme, n'a de leçon à recevoir de
quiconque, lorsqu'il lutte pour la cause. Cela fait des dizaines
d'années que bien des responsables lui disent de se taire et
l'empêchent d'agir sous prétexte de sauvegarder des relations
internationales basées sur une diplomatie hypocrite qui ne se gène
pas pour bafouer les droits les plus élémentaires des hommes.
Nous vivons dans le pays
de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Si nous ne le
pensons pas alors il faut plier bagage. Si nous le pensons alors il
faut agir comme il se doit pour que ces notions restent les
fondements de notre civisme.
La problématique de la
pénalisation de la négation des génocides reconnus par la France
va dans ce sens. Si notre pays a reconnu un génocide alors nous
devons tous respecter cette décision qui va bien au delà de
l'individu car celui-ci est incapable de réaliser cette action à
l'échelle nationale. Nous nous devons de prendre conscience que les
négationnistes de tout bord se moquent bien des victimes, des
survivants, des justes mais aussi de la France elle-même car ils
savent bien que celle-ci a reconnu les génocides mentionnés.
Pour tous ceux qui
pensent que la proposition de loi actuelle qui est en train d'être
examinée par le Conseil Constitutionnel de la France n'est qu'un
problème intercommunautaire, nous ne pouvons dire qu'une seule
chose: ils se trompent lourdement. L'appareil de propagande turc qui
se fonde sur un négationnisme d'état ne bafoue pas seulement
l'histoire du peuple arménien mais aussi le droit français. Le
régime turc a peur de l'effet domino au sein de l'Union Européenne.
Il sait bien que la
Suisse pénalise la négation du génocide mais elle n'appartient pas
à l'Union Européenne. Il sait aussi que la Slovaquie pénalise
elle-aussi la négation mais il ne la craint pas car elle fait partie
des nouveaux états membres de l'Union Européenne. Ce qu'il craint
par dessus tout, c'est justement un pays comme la France qui en
raison de son rôle moteur au sein de l'Union Européenne peut servir
d'exemple à d'autres pays. Voilà ce qui explique l'acharnement et
les menaces de la Turquie à l'encontre de la France.
Ceux qui persistent à
penser qu'elle n'en veut qu'aux Arméniens, se trouvent piégés dans
une erreur stratégique. Ils ont l'impression que tout ce qui se
passe à l'Assemblée Nationale, au Sénat et maintenant au Conseil
Constitutionnel, n'est qu'un simple jeu tactique dans le cadre des
élections. En réalité, la Turquie n'a que faire des élections,
surtout si la loi passe. En effet, pour la Turquie, il s'agit d'un
combat entre un régime autoritaire et une démocratie molle. Peu
importe le président, la Turquie ne voit en la France que la
mollesse démocratique et elle voit avec amusement les
tergiversations juridiques de certains spécialistes. Ce qui importe
pour elle, c'est que la loi ne passe pas, un point c'est tout. Et
pour obtenir ce résultat, tous les moyens sont bons: pressions,
menaces, influences, pots de vin. Lorsque nous réaliserons cela
alors nous comprendrons le véritable enjeu. Elle veut profiter des
frictions internes du système politique français, des luttes
intestines, des guerres partisanes pour imposer sa vision de
l'histoire. Seulement, il existe des hommes, des combattants des
droits de l'Homme qui continueront leur devoir à l'encontre des
crimes contre l'humanité. Et la France a son mot à dire !
04.02.2012
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