mardi 14 février 2012

Quatorze Février

Quatorze Février, l’assassinat du « Monsieur Liban »

Roger AKL
14.02.2012


Non, ce n’est pas de la Saint Valentin et de la fête des amoureux (car« À la saint Valentin, les oiseaux commencent à roucouler »), ni même des saints Cyrille et Méthode, patrons de l’Europe, que je vais parler, mais de la commémoration de l’assassinat du Premier Ministre Rafic Hariri, « Monsieur Liban », comme il fut appelé, car il a dirigé le changement de la constitution libanaise à Taëf, en Arabie saoudite. Il l’a si bien amendée, cette constitution, qu’il délesta le Président maronite de la République libanaise de tous ses pouvoirs (oh, bien maigres car les mêmes que ceux du Président de la IIIème République française), pour se les donner comme Premier Ministre sunnite qu’il devait devenir en 1992.

Ce qui m’a fait penser à écrire cette lettre, sur ce sujet, c’est la nouvelle que le roi très théocratique d’Arabe saoudite aurait décidé de sauver l’entreprise, Saudi Oger, héritage de l’ex Premier Ministre Saad Hariri, aussi héritier politique de son père et de son poste de Premier Ministre. On pourrait dire qu’il s’est révélé aussi mauvais entrepreneur que mauvais politique, à tel point que son parti perdit la direction du pays, tandis que les nouvelles de ses difficultés financières et celles de ses sociétés faisaient les ragots des hommes politiques et des ménagères. Mais cela ne suffisait pas, car le p’tit Saad (c’est ainsi qu’on l’appelle chez nous) possède comme son père l’appui du monde occidental et dirige un parti dont les chefs sont accusés, avec beaucoup de raison, d’appuyer, de financer, et d’armer la sédition en Syrie. Comme par hasard, c’est ce que font aussi le Qatar et l’Arabie saoudite, tandis que l’Armée libanaise peine à arrêter l’afflux des armes et des combattants, traversant surtout la frontière Nord du Liban, pour alimenter la révolte en Syrie, surtout dans les villes voisines de notre frontière : Homs, Tel Kalakh, Idlib et Zabadani.

Juste dernièrement, tombe la nouvelle que le roi très théocratique d’Arabie saoudite aurait donné à Monsieur Hariri deux milliards de dollars pour « renflouer » ses entreprises (tayyar.org du 13 février). Que la nouvelle soit juste ou fausse, il est sûr que Saad Hariri, comme son père et comme d’autres hommes politiques, ayant des entreprises en ou faisant affaires avec l’Arabie saoudite, il est sûr donc que ces hommes n’ont pas intérêt à contrecarrer la politique saoudienne. Comment donc en faire des Premiers Ministres qui dirigent le Liban, non seulement avec des pouvoirs dictatoriaux, mais encore en les outrepassant ?

Ne serait-ce pas le fait qu’on attendait de Rafic Hariri, un homme qui est devenu riche à milliards, « grâce aux faveurs du roi », beaucoup plus qu’il n’a pu ou voulu fournir que ce dernier aurait été assassiné ? Ne serait-ce pas pour cela aussi que Hariri fils passe son temps à changer d’avis sur les assassins de son père suivant les changements de la politique internationale, arabe et surtout saoudienne ?

Ne serait-ce pas pour cela aussi que le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) continue à être alimenté par les dettes de l’Etat libanais, dettes que le « martyr » Hariri père a réussi à faire atteindre plus de soixante milliards de dollars avec les intérêts ? Ces dettes nous forcent aujourd’hui à accepter de dépenser sur un TSL qui ne nous fait que du mal, car mené, non par la justice, mais par ceux qui contrôlent l’ONU et la politique internationale.

Le TSL est arrivé à la fin des trois premières années de son mandat, après avoir réussi à jeter en prison des généraux et autres innocents libanais durant plus de trois ans, sur la foi de faux-témoins qu’il protège des poursuites légales de ces malheureux. Il a réussi à accuser à tort et à travers, la Syrie puis le Hezbollah, puis de nouveau la Syrie, puis l’Iran, suivant l’humeur de ceux qui le manipulent. L’Etat libanais va avoir à décider de la prorogation de son mandat pour trois ans.

Je suis sûr que la majorité des ministres voteront contre cette prorogation, mais que fera le nouveau Premier Ministre ? Lui aussi est un milliardaire qui a des intérêts en Arabie saoudite et dans les pays d’Occident. La constitution le force à accepter la décision du Conseil des ministres. Mais ce n’est pas la première fois que cette constitution est traitée comme un chiffon de papier. N’oublions pas que le TSL a été créé suivant un contrat non constitutionnel, car sans l’accord du Président de la République de ce temps-là. Que fera donc Monsieur Mikati ? Que fera le Président de la République à qui il reste encore la charge de garantir la constitutionalité des lois et des engagements internationaux ? Que feront les ministres ?

Il ne faut pas oublier que le Liban subit le chantage de la dette que le « martyr » Rafic Hariri lui a faite faire. Aurait-il été assassiné parce qu’il a eu des regrets ? Chut, personne n’ose poser cette question, pas même le TSL qui enquête sur sa mort.